The Falling Man, 2001
L'imagerie des attentats du 11 septembre 2001 est essentiellement celle du chaos
L'imagerie des attentats du 11 septembre 2001 est essentiellement celle du chaos, de la destruction massive, des foules en perdition, des explosions et de la poussière... Mais le cliché The Falling Man, du photographe Richard Drew, n'est pas réellement en adéquation avec l'image-type du 11 septembre ; elle illustre le destin d'un seul individu, chutant sans bruit vers sa mort.
Falling Man, Richard Drew, 2001
Richard Drew, l'auteur de la funeste et mythique photographie, revient sur l'histoire précédant la prise du cliché ; durant un shooting de mode, et alors qu'il discutait avec un caméraman de la chaîne CNN, ce dernier pointa du doigt les tours du World Trade Center, l'une d'entre-elles venait d'être percutée... Son éditeur lui demanda aussitôt de laisser tomber la séance photo afin de couvrir la catastrophe.
Le photographe s'engouffra dans le métro, et lorsqu'il refit surface, il constata que les deux tours étaient en feu ; un deuxième avion avait frappé la seconde tour, juste le temps de son déplacement.
Interviewé dans une vidéo intitulée Behind The Photo, publiée par le Time, il explique qu'il a instinctivement pris son appareil photo (un Nikon DCS-620) en voyant tous ces gens tomber. Il a commencé à les prendre en rafale avec son objectif 200 millimètres. Situé dans un angle parfait, à une intersection, il a réussi au bout de quelques secondes à se concentrer sur la trajectoire d'un homme, celui qui sera connu sous le nom du "Falling Man". ¹
Planche contact, Richard Drew, 2001
Parmi tous ces clichés en rafale, se trouve celui que nous connaissons tous, capturé à 9 heures 41 et 15 secondes.
Richard Drew décrit sa photographie comme étant "un cliché calme, différent des choses violentes qu'on est habitué à voir pour d'autres catastrophes. On dirait qu'une croix humaine vient scinder en deux le bâtiment du World Trade Center. Il n'y a pas de sang, pas de coups de feu".
Malgré une esthétique "apaisante", sans feu et sans hémoglobine, la photographie est glaçante... Le mécanisme auto-protecteur de notre esprit, qui nous empêche d'imaginer le sort particulier d'un individu dans une tragédie impliquant un groupe, est inefficace avec cette image ; l'individu est là, il tombe, et il va mourir. Dès lors, la catastrophe acquiert "un visage", nous ne pouvons faire autrement que de nous identifier à lui, et développons une douloureuse empathie...
Une vue globale de la catastrophe, 11 septembre 2001
Au lendemain des attentats, le quotidien New-York Times affiche en première page l'image de Richard Drew. Le photographe se souvient avoir considéré cette publication comme quelque chose de très courageux, c'est-à-dire oser afficher un peu partout la mort imminente d'un homme, dans un pays en deuil.
Le New-York Times recevra des centaines de lettres, chacune faisant le réquisitoire de ce choix de publication, jugeant l'image trop violente, et inappropriée pour un public sensible.
Peu à peu, s'installe un phénomène d'autocensure, tacite et national, au sein des médias américains qui ne supportent plus de voir cette photographie. Richard Drew décrit ce cliché ironiquement comme étant "le plus connu que personne n’a jamais vu".
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